Olivier Jung
Entre là, des couleurs et des traits
Chez Olivier Jung le sujet est monté petit à petit par superposition d’une résille, d’un entrelacs de traits posés sur une surface colorée qui les initialisent. Les deux trames abstraites en apparence sont travaillées par déplacement de l’une par rapport à l’autre jusqu’à ajustement de l’idée voulue. Ceci à l’instar d’un dessinateur qui aurait décomposé son sujet sur plusieurs calques, ici la couleur, là le trait, là encore d’autres aspects. Puis en faisant jouer les calques les uns sur les autres, il essayerait de ne pas perdre la forme première tout en essayant d’en suggérer d’autres. Ainsi les espaces ordonnent les masses. Le plan n’est ni frontal ni mis en perspective. Il est une médiation entre le plan de l’écriture cherchant à annuler la profondeur, et celui de la couleur, qui au contraire cherche à la restituer. L’équilibre se veut toujours précaire, rompu par des tonalités cassées, sourdes, proches de celles de Doucet et rattrapées par des tons francs proches de Cobra. L’œil réinstalle les repères en suivant un trait, dessinant un profil aussitôt perdu par une vue en contre-plongée. Le sujet s’inscrit dans un premier temps dans un espace, pour ensuite se morceler au profit d’un travail sur la totalité de la toile empruntant au «all over» d’un Pollock, la notion d’un espace sans centre apparent où aucune partie n’est privilégiée. Toutefois, chaque point est traité en soi dans sa cohérence par rapport au tout ce que l’on trouve chez De Kooning,. Ainsi, les points d’ouvertures permettant d’entrer dans le tableau sont multiples, sans guide spécifique. Espace labyrinthique où chacun définit sa porte, son parcours et ceci sur un espace commun à tous. Le sujet premier n’est qu’un prétexte afin de s’échapper. Rien n’est définitif ou stable : un paysage peut laisser place à un animal, un corps, un masque. C’est dans ce mécanisme d’ouverture et de fermeture que s’amorce l’errance. C’est un rapport au temps ambivalent, où, le travail de l’huile freine celui du coloriste par sa lenteur, ses transparences, et, d’autre part, une accélération due au geste graphique dans la matière , griffure, marquage de l’espace. Tags, graffitis pour lesquels le sens se perd. Mais de cet enchevêtrement des graphes et de la couleur naît une nouvelle inspiration : la nôtre.